Folleville, son église ...une demeure alchimique ?
Chapelle saint-Vincent de Paul
Extrait de "Folleville symbolique - Folleville alchimique" de Jean-Marie Groult : " Nous ne nous arrêterons pas sur l’ornementation tardive de cette chapelle, seules les quatre vertus cardinales retiendront notre attention ; de petits personnages sont sculptés dans chacun des angles de la chapelle en culs-de-lampe, ils tiennent un phylactère, leur place par rapport aux points cardinaux est la suivante: la Force est au sud-est (Feu), la Justice au sud-ouest (Air), la Prudence au nord-ouest (Terre) et la Tempérance au nord-est (Eau). Nous retrouvons bien ainsi la même orientation des vertus sur le tombeau de Nantes." Voir photo ci-après !
Les vertus cardinales
Sur le soubassement du tombeau figurent les quatre vertus cardinales, elles sont de très belle facture : Justice, Prudence, Tempérance et Force.
La Justice, la seule à être couronnée, est habillée d’une cotte de mailles richement décorée, elle tient l’épée en main droite et la balance en main gauche ; remarquons qu’ici l’épée, comme celle de saint Michel est toujours tenue en main droite, le côté de la lumière[1]. Une étoffe entourant sa taille est maintenue par un nœud tel celui d’Isis. Le nœud d'Isis ou sang d'Isis est un symbole sacré égyptien associé à la déesse Isis. Il ressemble à un ânkh, à un signe de croix de vie dont la barre horizontale est retournée vers le bas. Symbole de la force d'Isis et de sa magie, c'est à l'aide des nœuds d'un cordon qu'Isis a redonné vie à Osiris.
La Prudence vêtue d’un bel habit tient le compas et le miroir. Après avoir posé les bonnes proportions, le compas servira à établir le plan de travail à mettre en œuvre. Le miroir rappelle qu’il va falloir observer et être bien attentif lors de toutes manipulations.
La Tempérance soutient une pendule ; les matières sont sélectionnées, le canevas posé, il faut laisser le temps au temps dans chaque opération, la hâte à aboutir serait préjudiciable au résultat souhaité, et dans l’autre main un mors de cheval sous-entendant qu’il faut contenir ses impulsions.
La Force, la poitrine couverte d’une armure extirpe d’une tour un dragon en le maintenant fermement. La tour est une allusion à l’athanor, le four de l’alchimiste, ainsi son sommet de forme triangulaire est semblable au symbole alchimiste du feu. Autre détail, le visage de la force est tourné vers les trois autres vertus ; elle est toujours représentée le visage détourné du dragon ; et ici, pour agir, elle s’appuie indubitablement sur ses trois consœurs. Dans le christianisme, nous distinguons les vices que l’on oppose aux vertus, selon Platon un vice est une mauvaise action alors que les vertus qualifient les bonnes. Toute vertu n’a pas la même importance et il les classe par ordre d’importance : la prudence, la tempérance, la justice et la force qui sont quatre vertus humaines ou cardinales que l’on complète souvent de trois autres vertus dites théologales (données par Dieu) et caractérisées par : la foi, l’espérance et la charité.
[1] Voir le chapitre explorant la symbolique du Jugement dernier de Notre-Dame dans l’ouvrage « Rouen symbolique Rouen alchimique ».
Notre histoire
Les deux superbes clefs de voûte portent chacune trois (ternaire) magnifiques miniatures, elles présentent sur l’une, au-dessus des têtes des gisants le principe masculin, pour commencer saint Michel terrassant le dragon de son épée.
Mais arrêtons-nous un instant sur la symbolique de saint Michel ! Saint Michel archange, comme saint Georges, terrasse le dragon dans cette allégorie du bien contre le mal. Le dragon n’est pas tué, mais terrassé (mis en terre), on éteint le feu de sa gueule en l’enfermant dans sa bouche ou plus exactement le feu est enfermé dans la matière pour qu’il n’en sorte plus et serve d’aimant à l’esprit céleste que l’on symbolise par l’épée.
L’épée est l’attribut des héros, seigneurs et chevaliers, rois et dieux. Elle est porteuse de tradition et libère, lors de l’adoubement, l’homme profane au rang de chevalier initié (ignitié car il a reçu le feu et reçoit une partie de l’illumination).
Au-delà de son aspect fonctionnel offensif et défensif exprimant sa dualité, l’épée est le symbole de la puissance et de la souveraineté. Elle se rattache aux mythes et légendes les plus anciens et permet le combat dans les deux mondes : le spirituel et le profane.
Elle symbolise aussi la justice et la souveraineté. Son effet sur les champs de bataille est dévastateur et sur le plan céleste ou divin l’épée incarne le Verbe et la puissance du Verbe. L’épée est droite comme la lance, c’est un symbole du Feu rédempteur (rectificateur), ce que les alchimistes appellent plus communément l’Esprit lorsque sa pointe est dirigée vers le bas et Feu matériel lorsqu’elle est placée pointe en haut.
L’épée, porteuse de lumière et de justice, incarne l’Esprit-Saint. L’épée symbole masculin (lumière) et solaire est associée à son image féminine (obscurité) et lunaire du fourreau ; réunis, ils forment une harmonie réunissant les polarités positives et négatives comme le font le yin et le yang, l’alchimiste dirait : « De deux tu fais un ».
L’épée est solaire et de ce fait tranche l’obscurité de l’ignorance et libère des forces du mal. Elle permet de vaincre les monstres et les ennemis invincibles. L’épée (esprit - axe vertical actif qui va du ciel vers la terre) et sa garde (matière - axe horizontal passif qui va de l’Orient à l’Occident) sont réunis par la formation de la croix.
D’un point de vue alchimique, si nous prenons l’écu avec sa pointe vers le bas, il signifie, comme pour la lance de saint Georges, la figuration de l’esprit descendant d’en haut. Nous ne sommes donc pas surpris, lors des combats à pied des chevaliers, que la pointe en bas de l’écu pouvait servir à être plantée en terre. Si nous reprenons l’analogie avec saint Georges, nous avons la lance (feu d’en haut) qui entre en gueule pour aller à la rencontre du feu d’en bas. Ne dit-on pas « terrasser le dragon » (mettre en terre). Aussi nous dit notre bien aimé Hermès Trismégiste : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut pour accomplir le miracle (la rencontre) d’une seule chose ». Nous avons donc ici la rencontre de l’épée pointée vers le haut qui figure le feu d’en bas terrestre et l’écu qui figure le feu céleste descendant d’en haut. Le point de rencontre ou terrassement produisant ses effets sous la forme d’un cristal (christ-al) de la plus belle couleur à savoir celle exprimée dans la langue verte, celle des initiés où le cristal (verre) devra être rectifié et purifié pour devenir la première matière de l’œuvre.