Lettre à un ami (alchimiste)
Lettre à Jacques Hylae,
Très cher ami,
Vous m’avez demandé de rédiger une préface pour votre magnifique ouvrage "L'or du Ciel, trois contes alchimiques" ; et, après une lecture des plus attentives de votre manuscrit, c’est avec joie que je réponds, sous forme de billet, à votre bienheureuse demande.
Il me faut dans un premier temps vous rappeler que nous nous sommes côtoyés il y a voilà dix années déjà ; tout d’abord par les réseaux nommés péremptoirement « sociaux », vous suiviez à ce moment-là ma page mettant en exergue la magnificence du Trégor. Et, de la multitude de commentaires aimables que l’on peut lire au cours de ce genre d’exercice, vous étiez le seul à me répondre sur la même tonalité que la mienne. Vous souhaitiez m’indiquer par vos justes retours combien vous étiez touché et compreniez le sens caché de mes publications. Ainsi, durant des mois, chacun de vos messages se trouvait à l’unisson de mes textes. C’était ni plus ni moins de l’ordre de la magie. Ainsi de post en post, nous avons découvert notre intérêt commun pour Dame Nature et un même questionnement sur sa source véritable. À partir de là, de ces moments de complicité sur la toile, notre amitié n’a cessé de croître, de se consolider. Dès lors, bien évidemment, il nous a semblé indispensable de nous rencontrer, ce que nous faisons dorénavant très régulièrement. Depuis, nos échanges ont construit bien plus qu’une amitié, mais une sincère fraternité. De par mon parcours, j’ai fréquenté certes nombre de passionnés de nature, de sciences,… mais votre approche m’a semblé somme toute bien différente, je dirais plus approfondie, plus exacerbée !
J’ai durant ces dix belles années observé avec une attention discrète votre édification, car c’est bien d’élévation dont il s’agit. Vous êtes si avide de connaissance, de lecture, non pas pour savoir, non pas pour pérorer, mais pour comprendre, pour assouvir votre aspiration à être en communion avec le Grand Tout que vous embrassez avec tant de félicité.
Votre étude des livres sacrés, des textes d’auteurs tels que Louis Claude de Saint-Martin, Louis Cattiaux, Fulcanelli, Henri Coton-Alvart, pour ne citer que vos favoris… aiguisent votre préhension de la beauté du monde, de sa création, de sa finalité qui, si elle semble voilée pour nombre d’entre nous, est évidente pour vous-même car elle illumine délicieusement vos heures. Souhaitant vivement partager le résultat de vos observations, vous essayez d’éclairer avec bienveillance votre entourage ; et c’est ainsi votre cœur qui parle à celui qui sait vous écouter ou vous lire.
Je trouve utile ici de dévoiler, si vous le voulez bien, un grand secret à vos lecteurs : Qui, plus que vous-même, au bord du chemin est l’invité radieux au lever et au coucher de l’astre rayonnant qui nous chauffe, nous éclaire et nous nourrit ? N’est-ce pas vous aussi qui, lors de vos veillées nocturnes au clair de lune, campé sur une pierre, bavardez délicatement avec les étoiles, tandis que coassent crânement les crapauds dans les eaux putrides du lac fixé près de chez vous ? N’est-ce pas vous encore qui caressez, à l’aube, la précieuse rosée glacée sur l’herbe tendre de la clairière, tandis que les écailles chinées, complices volatils, vous frôlent joyeusement avant de retourner à leur obscurité tout en vous confiant le frêle jour rougeoyant ?
Assis entre terre et ciel, vous êtes alors magnifiquement heureux et tout cela vous conforte dans votre attitude que vous qualifiez vous-même de mystique.
Je retrouve dans ces nouvelles pages votre âme d’enfant, non pas l’enfant que vous étiez, mais l’enfant que vous êtes devenu à force de travail assidu sur vous-même malgré les communes turpitudes qui nous préoccupent tous au cours de notre brève existence. Vous avez su passer une ultime étape, celle de faire taire le mental parfois fougueux de l’homme se rigidifiant avec l’âge pour laisser parler dans vos écrits, tel que le faisait Antoine de Saint-Exupéry dans son Petit Prince, votre cœur d’enfant à présent régénéré car débarrassé de tout phlegme.
Aussi, nous avons tous deux souvent évoqué l’alchimie dans nos échanges, ou plutôt le Grand Art des maîtres passés. Si vous êtes alchimiste dans l’esprit, ou dans le tréfonds de votre être, vous n’êtes pas un faiseur d’or vulgaire, mais un authentique « cherchant ». Vous êtes de ceux qui ne posent pas de frontière entre ora et labora, vous êtes de ceux qui purifient leur âme subséquemment au travail des quatre éléments, en assemblent les trois principes, sel, soufre, mercure, afin de les accompagner humblement dans leur union sacrée jusqu’au principe créateur, c’est-à-dire au verbe divin, cause de tout.
J’imagine déjà que ces trois superbes contes, dont je ne veux dévoiler la teneur, vont autant émerveiller le lecteur que moi-même, car ils ne sont pas ordinaires. Votre regard d’expert pénètre la nature des choses et vous savez nous livrer ici subrepticement leurs secrets. Écrit dans un style qui semble familier, vos contes insufflent avec grande poésie un enseignement à celui qui saura lire entre les lignes. Et ainsi dans ces pages, votre générosité parlera à toutes celles et à tous ceux qui sauront recevoir.
Ne voyez pas dans cette lettre dithyrambique un ton qui pourrait paraître à première lecture trop flagorneur, mais il fallait que je vous dise tout ceci afin que le lecteur qui lira mon avant-propos vous connaisse tel que vous êtes et qu’il apprécie à sa juste valeur votre si riche et attachante œuvre.
Bien sincèrement
Jean-Marie Groult